Au printemps 2017, nous lancions une nouvelle fonctionnalité dans Bob booking, donnant la possibilité à plusieurs producteurs de spectacle de travailler sur un Bob unique. L’idée était – et reste –  de travailler sur les conditions d’une mutualisation vertueuse, en cumulant partage et confidentialité, augmentation de service et baisse des coûts.
Bob Booking fonctionne dès lors comme une co-loc : L’espace commun est partagé et entretenu par tous, mais chacun a sa chambre, dans lesquels les autres colocataires sont interdits ou priés de frapper avant d’entrer. Sans oublier les étagères du frigo…
L’espace commun, c’est le fichier professionnel, consultable et renseigné par tous. Le reste est confidentiel ou à accès limité : commentaires, données commerciales et financières.

Pour nous, il s’agissait de soutenir ou d’impulser de nouvelles pratiques de travail entre les entreprises du secteur. Un post de mars 2017 listait quelques conditions d’une mutualisation heureuse.
16 mois plus tard, point d’étape : voyons comment la communauté s’est emparée de cette proposition.

Mutualisation

Effet d’aubaine et réflexion longue

Parmi les 15 groupes d’entreprises qui se sont engagées dans une démarche de mutualisation avec Bob, on observe 2 constantes :

_ La prise de décision est longue (et c’est tant mieux). En moyenne, de 3 à 9 mois ont été nécessaires pour déployer la solution. Et il est probable que des discussions se déroulent depuis encore plus longtemps, sans que nous le sachions. Mais le choix implique les entreprises concernées au delà du montant de l’abonnement, et ce temps d’élaboration est sans doute nécessaire pour assurer la pérennité de la décision.

_ La dimension économique de la mutualisation est décisive. Elle est souvent même un point d’entrée dans la réflexion, d’autant que l’économie réalisée se situe entre 40 et 70%.
Mais au-delà de cet effet d’aubaine, les regroupements s’effectuent avec des modalités et des objectifs multiples, souvent tous présents à des niveaux différents.

Des parcours de mutualisation très divers

1- Travailler ensemble un fichier professionnel commun. C’est le cas de 10 tourneurs wallons travaillant sur les musiques du monde, ou de 3 bureaux de prod en danse, dans des régions distinctes. On joue ici la complémentarité ou le renforcement sur des territoires esthétiques ou géographiques. La communication est parfois commune quand un effet de masse est recherché, parfois individuelle lorsqu’on rentre dans les détails des projets.

2- Favoriser un partage de compétences ou d’emploi. En Bretagne, 4 tourneurs ont embauché en commun une bookeuse sur l’international pour gérer certains de leurs projets. La circulation de l’info et le reporting sont automatiques, et chaque structure conserve une totale confidentialité sur ses propres projets.

3- Explorer d’autres possibilités de collaboration. 2 bureaux d’accompagnement et une compagnie de danse avaient expérimenté des collaborations ponctuelles et souhaitent aller plus loin. L’utilisation d’un outil commun leur permet de confronter leurs pratiques et de partager leurs infos au quotidien. De mieux se connaître, donc, pour déclencher de nouvelles collaborations.

4- Structurer un secteur : Un syndicat du spectacle vivant s’est donné parmi ses missions la montée en compétence professionnelle de ses membres. Un partenariat s’est constitué avec Bob pour constituer plusieurs groupes de mutualisation de 5 à 10 compagnies. La démarche sera suivie et analysée pour mettre en avant les bonnes pratiques et affiner les modalités de fonctionnement commun.

5- Soutenir une entreprise émergente : Dans le Lot, une SCIC s’est constituée autour d’activités de développement d’artistes et d’animation culturelle locale. Le producteur, utilisateur de Bob depuis fort longtemps, a ajouté un accès et l’a dédié à une structure de prod naissante dont il accompagne le développement.

6- Faciliter l’organisation en cluster : Des producteurs de spectacles se sont rapprochés d’autres entreprises, via des prises de participation croisées, totales ou partielles. Pour autant, la confidentialité sur les aspects commerciaux et financiers doit être préservée pour chaque entité. Le recours à un Bob Booking mutualisé intègre cette contrainte, tout en permettant la consolidation des calendriers de spectacles ou des écritures comptables.

Quel bilan pour Bob ?

La question est posée par les utilisateurs eux-même : vous vous y retrouvez ?
La réponse est oui, deux fois oui.
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Certes, un calcul étroit indique que 3 abonnements à Bob-Booking nous apportent un chiffre d’affaire 2 à 2,5 fois supérieur à un Bob partagé entre 3 entreprises.
Mais les transferts de plusieurs Bob autonomes vers un Bob commun n’ont été si fréquents. 80% des entreprises ayant choisi cette démarche sont des nouveaux utilisateurs, pour qui le ticket d’entrée devenait admissible dès lorsqu’il était réparti entre plusieurs structures. Elles ont à parts égales rejoint une entreprise déjà utilisatrice, ou créé un groupement de toutes pièces.
Au global,  le moteur de mutualisation a déclenché directement l’abonnement d’un tiers de nos nouveaux clients, et représente 25% de notre chiffre d’affaire créé dans l’année.
Accessoirement, ces 30 nouvelles structures mutualisées (sans parler des autres) n’ont pas trouvé avec d’éventuels solutions concurrentes de réponse à leurs besoins.
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Bilan positif également car nous nous trouvons au cœur des nouvelles pratiques professionnelles, et que nous restons très attentifs aux nouvelles demandes qui pourront naître de ces pratiques. Nous entrons ainsi dans une dynamique de co-construction valorisante pour les équipes de Bob, et porteuse d’évolutions passionnantes… et encore à imaginer.

La suite ?

Après des années d’instrumentalisation et d’errements, la mutualisation gagne du terrain, dans l’institution et surtout chez les professionnels eux-mêmes, regroupés ou non en réseaux formels (Pôles régionaux de musiques actuelles, Famdt, SCC…).
A notre connaissance, des dizaines d’entreprises sont en cours de réflexion pour intégrer un Bob Booking mutualisé dans une démarche plus générale.
Dans le contexte de mutation du secteur de la production de spectacles et d’épuisement des vieilles pratiques, nous pensons que la mutualisation intervient comme une des voies majeures de restructuration et de création de valeur. En opposition discrète à la concentration des opérateurs, bien plus spectaculaire.

On observe d’ailleurs le même mouvement chez les lieux et les festivals : Concentration vs Collaboration et mutualisation. La force du capital contre le bricolage créatif des rapports humains.

A nous donc de servir le mouvement. Cela exige une écoute, une attention permanente aux signaux faibles, aux pratiques émergentes qui s’ignorent elles-mêmes. Ceci pour fournir des solutions numériques là où c’est possible et pertinent.
Au delà, il faudra sans doute recueillir des retours d’expériences, diffuser les bonnes pratiques, introduire le sujet dans les rencontres professionnelles…

Est-ce vraiment le boulot d’un éditeur logiciel ? Ben oui, évidemment, si on souhaite nourrir le secteur qui nous fait vivre, et si on décide que la création de valeur relève à la fois de l’engagement et de l’économie.